Avant
propos
Certains navires ont eu des destinées tragiques, leur naufrage a fait de nombreuses pertes, les survivants ont enduré de longues et pénibles souffrances avant d’être recueillis. Le Général Grant a continué à faire de nombreuses victimes même en reposant sous les eaux glacées de Dissapointment Island.
Introduction
Au soir du 4 mai 1866, il y a foule sur les quais du port de Melbourne pour le départ du Wool-liner Général Grant. Les hommes d’équipage sont à la tâche. Une à une les immenses voiles sont hissées, les ancres sont relevées. A bord, le pilote donne les dernières consignes. Le bateau s‘éloigne lentement du quai, un vent d’ouest portant pousse le navire. Arrivé au bout de la rade, sa mission achevée, le pilote descend dans sa chaloupe, le Général Grant vogue désormais vers son destin…
Le
navire
Le Général Grant est un luxueux 3 mâts construit
en 1863 à Bath par Jacob Morse sur la rivière Kennebec
dans le Maine pour la somme de 81166 U.S. dollars de l’époque.
Pour manoeuvrer ses immenses voilures, le Général Grant embarque 25 hommes d’équipage sous les ordres du commandant Loughlin. Ce dernier est secondé par Bart Brown fraîchement nommé.
Le navire présente des dimensions importantes, 55 m de longueur pour une largeur de plus de 10 m, avec un tirant d’eau de près de 7 m.
Le bateau avait quitté Boston le 25 novembre 1865
Pour son retour vers Londres, le navire transporte de la laine en grande quantité, des peaux, du bois, ainsi que 2 caisses en bois contenant chacune 40 kgs d’or enfermés dans le coffre du capitaine.
Le navire a embarqué également neuf tonnes de zinc sur lest. Chose curieuse le minerai avait été embarqué en dernier, de nuit, sous la surveillance de l’armée. Les sacs de minerai qui comportaient aucune indication fûrent placés sous les balles de coton. Plus curieux encore, ces sacs étaient doublés et étanches ! Aucune poussière ne s’en échappait. S’agissait-il réellement de minerai de zinc, ou alors…
Le
détroit de Bass
Une longue route attend le navire. Celui-çi fait cap au sud-est. Il doit tout d’abord affronter le détroit de Bass qui sépare l’Australie de la Tasmanie pour entrer dans la Mer de Tasman, doubler la pointe sud de la Nouvelle-Zélande et se présenter sur la route du Cap Horn.
C’est la fin de l’été
austral, il est trop tard pour espérer le redoutable cap. Le navire
empruntera donc le Détroit de Magellan pour ensuite remonter
le long des côtes de l’Argentine et du Brésil
et
finalement essayer de doubler le fameux détroit et faire route vers
l’Angleterre. La traversée est prévue pour durer 100
jours (par vent portant, le navire filant environ les dix noeuds.)
Ruée
vers l’or (la colonisation)
Le
bateau navigue depuis plusieurs jours sur une mer calme. Le vent portant
rend la traversée très agréable et les 61 passagers
parmi lesquels se trouvent 26 enfants peuvent profiter des aménagements
luxueux du clipper.
A bord, se trouvent de nombreux
émigrants qui, fortunes faites, ont décidé de retourner
en Angleterre. On compte parmi eux des familles pour qui le
nouveau continent n’a pas tenu ses promesses.
Au début des années 1850, le gouvernement britannique décida de peupler ses colonies et commença d’abord à y envoyer des prisonniers libérés à cet effet. Puis la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre jusqu’en Angleterre : de l’or avait été trouvé près de Ballarat en grande quantité, ce fut alors la ruée vers ce nouvel Eldorado. Les riches émigrants ramenaient dans leurs affaires tout l’or qu’ils avaient extrait au prix d’un labeur harassant et de privations.
Inquiétude
Au matin du 11 Mai, tout bascula
brusquement ! Le vent changea de cap et vint face à la route que
devait suivre le navire. Pour éviter de "tirer des bords", le capitaine
décida de passer au sud des îles d'Auckland au lieu
de les contourner par le nord. Le navire se trouvant à ce moment
assez près de la partie nord des îles d’Auckland.
C’est alors que le brouillard
recouvrit la mer… A bord, l’ambiance devint lourde. A partir de ce
moment, il était impossible de voir la proue du navire. En haut
du mât de misaine, la vigie scrutait la mer avec inquiétude
car celle-ci était calme mais une forte houle subsistait. Le navire
se trouvait sous le vent des îles.
Au lever du jour, la brume subsistait toujours. Il était impossible de faire un relevé, il fallait estimer sa position.
Vers 22 h les passagers furent
réveillés par une intense agitation : la vigie venait de
crier “ terre droit devant ” ! La manoeuvre fût immédiate,
on choqua les voiles, le navire vira de bord. A ce moment le vent lui aussi
tourna passant au nord ouest. Tout danger semblait définitivement
écarté, on venait de passer devant Déception Island.
Une heure après cette
première alerte, la vigie cria de nouveau “ terre sur tribord
avant ” ! Le second s’empara alors des jumelles et déclara qu’il
s’agissait d’un banc de brume ce dont les vigies n’étaient pas persuadés.
Le commandant Loughlin venait de faire une funeste erreur…
Le
naufrage
Le vent se mit à tomber brusquement...
Le commandant, pensant que
l’on passait l’archipel par le nord comme prévue initialement, demanda
que le navire fit route au sud/sud-est pour se recaler sur la route du
Cap
Horn. La cloche retentit pour la troisième fois “ terre,
droit devant ” !
La vision qui s’offrait à
eux maintenant était terrifiante. Face à eux se dressait
une falaise noire de plus de 100 mètres de hauteur. Le navire non
manoeuvrant fonçait droit dessus. Il s’agissait de Disappointment
Island !
La panique prit à bord.
Les hommes redescendirent dans leurs cabines et réapparurent titubant
sous le poids de leur or qu’ils allaient tenter de sauver.
On entendait à présent le bruit de la houle se briser sur les hautes falaises et le fonds ne diminuait pas. Il était impossible de mouiller et même de mettre les chaloupes à la mer. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’un courant éloignât le navire de la falaise ou que le vent ne se lève.
Rien de tout cela n’arriva.
Le navire vint s’écraser contre la falaise à plusieurs reprises
et fut repoussés dans une grotte sombre et lugubre où il
fut disloqué et sombra rapidement.
Avant que le navire ne sombre,
les hommes avaient eu le temps de mettre la plus grande des chaloupes ainsi
qu’un canot de sauvetage à la mer avec quelques provisions. A son
bord il n’y avait que quatorze survivants trempés et grelottant
de froid.
Soixante huit personnes reposaient
dans les profondeurs de la grotte, certains victimes de leur or qu’ils
n’avaient pas voulu lâcher…
La
vie s’organise
Les
hommes ramèrent une journée durant dans une mer forte et
purent finalement accoster sur Disappointment Island. Il pûrent
dormir dans une grotte et trouvèrent de l’eau douce, mais il leur
fallait maintenant essayer de gagner la grande île d’Auckland,
seul endroit ou un baleinier venait parfois relâcher.
Au prix de grandes difficultés, ils purent accoster sur la grande île, faire du feu grâce aux quelques allumettes qu’un naufragé avait sur lui.
Sur l’ile la vie commença
à s’organiser. Les naufragés construisirent des huttes
et se mirent à chasser le phoque. Grâce à cela, la
nourriture ne devint plus un problème, de plus les peaux leur permirent
de fabriquer des vêtements chauds.
Malgré tout il fallait
trouver un moyen de quitter rapidement l’ile car il n’y avait aucun fruit
ou légume. Le scorbut et la dysenterie les menaçaient.
Le commandant en second savait
qu’un naufrage avait eu lieu deux ans auparavant. Les naufragés
avaient finalement réussi à regagner la Nouvelle-Zélande
à bord d’une embarcation de fortune. Ils avait établi
un camp où devait encore se trouver un certain nombre de matériel.
De plus, ceux-ci étaient revenu sur l’ile et avaient disposé
diverses vivres dans des endroits de l’ile à l’intention de futurs
naufragés.
Après de longues et pénibles
recherches, l'endroit fût retouvé mais la déception
fût grande ! Le campement était quasiment vide.
Le scorbut commençait
à faire des ravages. La découverte providentielle d’une caisse
de pommes de terre permit d'en faire la culture et de limiter l'assaut
de la maladie.
Cela faisait maintenant plusieurs
mois que les naufragés étaient sur l’ile. Certains commençait
à rêver de tenter de regagner la Nouvelle-Zélande
car il n’y avait toujours aucune voile à l’horizon.
La grande chaloupe fut équipée.
On mit à bord des vivres pour trois semaines ainsi que de l’eau
douce. Les précédents naufragés n’avaient mis que
cinq jours pour regagner la Nouvelle-Zélande mais ils connaissaient
parfaitement la route à suivre, ce qui n’étaient pas le cas
des volontaires du Général Grant…
Huit mois après le naufrage, en janvier 1867, la chaloupe prit la mer avec à son bord trois hommes dirigés par Brown le commandant en second du Général Grant. La chaloupe mit le cap au nord-est et disparut à l’horizon, nul n’entendit plus jamais parler d’eux…
Au mois de mars, les naufragés entreprirent de déménager sur la petite Enderby Island qui leur semblait plus propice pour établir un feu visible de loin.
Au mois de juillet le moral tomba au plus bas. Un vieux marin, Mac Cleland, mourut d’une blessure qui s’était infectée.
Le 19 novembre, coup de tonnerre,
une voile fût aperçue. Malheureusement le feu n’était
pas allumé et le temps que cela fût fait la voile avait disparu.
Le lendemain, les voiles d’un brick qui tentait de se mettre à l’abri
furent aperçus tout prêt de la côte et l’on courut vite
au canot pour rattraper le navire. Quelle ne fut pas la surprise du capitaine
de l’Amherst en voyant arriver des hommes portant de longues barbes
et vêtus de peaux de bêtes. Leur calvaire était terminé,
ils étaient sauvés !
Chose incroyable, les naufragés
proposèrent au capitaine de l’Amherst d’effectuer la campagne
de chasse au phoque pendant un mois et demi et ensuite seulement de regagner
la Nouvelle-Zélande !
Enfin, en Janvier 1868, le navire
toucha la Nouvelle-Zélande. La nouvelle fit rapidement le
tour du monde : dix naufragés vêtus de peaux de phoques,
rescapés du Général Grant avaient survécu
pendant 20 mois sur une île déserte !
Les
tentatives de sauvetage
La plupart des naufragés reprirent une vie normale. D'autres rentrèrent
en Angleterre, certains décidèrent finalement de rester en
Australie.
Le couple survivant connut une "petite" gloire et gagnât beaucoup
d’argent en s’exhibant dans des spectacles vêtu de peaux de phoques
et en racontant leur histoire.
Mais deux personnes s’étaient
jurés de revenir sur les lieux du drame et n’avaient pas oublié
la fantastique cargaison du Général Grant. Une
nouvelle fièvre de l’or venait de commencer et celle-çi n’avait
pas fini de faire des victimes.
Dès 1868, le capitaine de l’Amherst revint sur les lieux du drame. Il ne put retrouver la grotte où se produisit le naufrage.
La même année, Teers et Caughey, deux des survivants revinrent à leur tour sur
le site avec un plongeur. Les conditions météo furent si
détestables et la houle si forte qu’il ne purent jamais pénétrer
dans la grotte. Ils renoncèrent définitivement ayant
compris que l’or était inaccessible.
En mai 1870, un troisième survivant, Ashworth aidé d’une équipe de 5 hommes, se rendit sur le site. Le mauvais temps faisait rage comme d’habitude. Les hommes tentèrent de rallier la grotte à partir d’une chaloupe, nul ne les revit vivants !
En juillet 1876, une grosse expédition à bord du Flora se rendit sur le site. Un des hommes descendit au bout d’une corde, disparut sans laisser de traces. Deux charpentiers chutèrent de la falaise, pendant le retour du Flora.Un marin fut emporté par une lame !
Dans le même temps, une autre expédition, avec à son bord un grand scaphandrier professionnel arriva sur le site et parvint à rentrer dans la grotte. Une plongée dans une eau très claire, plusieurs jours d'immersions.... rien ne fut trouvé. Un marin trouva la mort en tentant de descendre la falaise. L’expédition se solda par un échec.
En 1902, nouvelle tentative ! Quatre irlandais partirent sur le site. Trois ans plus tard, des débris de leur bateau furent retrouvés non loin. Aucune trace des hommes…
En 1912, un grand scaphandrier néo-zélandais fut tué par la rupture d’un câble dans le port de Dunedin. L’expédition fut immédiatement annulée.
En 1914, le bateau Robert
Henry avec 15 hommes à son bord, partis de Los Angeles
pour une nouvelle tentative disparut corps et bien dans le Pacifique.
En 1915, une expédition
put à son tour entrer dans la grotte et y plonger. De l’épave,
nulle trace !
Des dizaines de demandes d’exploitation furent ensuite refusées par le gouvernement qui commençait à penser que le nombre de victimes devenait très important.
En 1975, une équipe composée des meilleurs plongeurs néo-zélandais affirmera avoir trouvé l’épave mais aucune trace du trésor.
Chaque année
des bateaux dont le nom sur la coque est soigneusement camouflés
sont aperçu dans les parages du naufrage.
Pourtant, à
ce jour, le trésor reste toujours à découvrir.
Alors si le coeur
vous en dit !
Si
vous souhaitez en savoir plus :
« The wreck of
Général Grant» Keith EUNSON
« La malédiction
du Général Grant » Noelle Duck - Ouest France
« The atlas of
shipwreck and treasure” Nigel Pickford - Dorling Kindersley
“ Trésor engloutis
sous la mer”. Patrick Moutons - Les 7 vents
Histoire de la mer &
Historia - Mensuels